Pour les articles homonymes, voir Jeanne Grey (homonymie).
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Lady Jeanne Grey (en Anglais : Jane Grey ; née en Octobre 1537 – décédée le 12 février 1554), petite nièce du roi Henri VIII, régna sur le Royaume d'Angleterre pendant à peine plus d'une semaine en Juillet 1553, ce qui lui valut le surnom de « reine de neuf jours ».
Elle put monter sur le trône anglais après que le roi Édouard VI, son prédécesseur, eut déclaré illégitimes deux filles d'Henri, Marie et Élisabeth afin d'éviter que le pays soit dirigé par une reine catholique. Finalement, Jeanne perdit la lutte pour l'accession au pouvoir au profit de sa cousine Marie, qui la fit exécuter.
Lady Jeanne (ou Lady Jane), en dépit de son jeune âge au moment de sa mort, avait déjà été repérée par ses contemporains comme « une dame de bonne réputation ». Elle est d'ailleurs décrite par l’historienne Alison Weir comme « un des esprits féminins le plus érudit du XVIe siècle ».
Ascendance
Ascendance de Jeanne Grey sur trois générations |
Jeanne Grey | Père : Henri Grey Duc de Suffolk | Grand-père paternel : Thomas Grey Marquis de Dorset | Père du grand-père paternel : Thomas Grey Ier Marquis de Dorset |
Mère du grand-père paternel : Cecily Bonville Baroness Harington et Bonville |
Grand-mère paternelle : Margaret Wotton | Père de la grand-mère paternelle : Richard Wotton |
Mère de la grand-mère paternelle : Anne Belknap |
Mère : Lady Frances Brandon | Grand-père maternel : Charles Brandon Duc de Suffolk | Père du grand-père maternel : William Brandon |
Mère du grand-père maternel : Élisabeth Bruyn |
Grand-mère maternelle : Marie d'Angleterre Reine consorte de France | Père de la grand-mère maternelle : Henri VII Roi d'Angleterre |
Mère de la grand-mère maternelle : Élisabeth d'York Reine consorte d'Angleterre |
Enfance et éducation
Jane naît en octobre
1537 à Bradgate Park, près de la ville de
Leicester. Elle est la fille aînée d’Henri Grey, Marquis de Dorset, et de son épouse Lady Frances. Par leur mère, Jane et ses deux soeurs étaient petites-nièces du roi Henri VIII d'Angleterre et membres de la
Maison Tudor. Leur père descendait quant à lui d’
Elisabeth Woodville, l’épouse d’Édouard IV.
On lui enseigne très tôt les langues anciennes et contemporaines, ainsi que les vertus de la religion protestante.
Son enfance est rendue difficile par une mère exigeante et volontiers abusive. Lady Frances tente en effet d’endurcir Jeanne, dont le comportement réservé et la soumission l’irritent, en la maltraitant. Dépourvue d’amour maternelle, sa fille se consacre à ses livres. Cependant, elle ne se croit pas capable de satisfaire ses parents. Jeanne confia ainsi à Roger Ascham, le tuteur de sa cousine Élisabeth Tudor :
« Quand je me trouve en présence de soit mon père soit ma mère, si je parle, me tais, m’assois, suis debout, pars, mange, bois, me réjouis ou m’attriste, couds, joue, danse, fais n’importe quelle chose, il faut que je l’entreprenne comme si la tâche était d’une importance infinie et que je l’achève à la perfection avec laquelle Dieu a créé le monde ; sinon, ils me raillent sans merci, ils me menacent cruellement, parfois par la force… pour que je me croie être en enfer. »
En 1546, alors qu'elle n'a pas encore dix ans, ses parents en font une pupille de la reine Catherine Parr, la dernière épouse du roi Henri VIII. L’affection de Catherine aide Jane à s'épanouir enfin. Elle est présentée dans le même temps à ses cousins royaux, Édouard, Marie et Élisabeth.
Lorsque Catherine meurt en couches en 1548, Thomas Seymour propos que Jane épouse son cousin Edouard VI. Cependant, Edouard Seymour, duc de Somerset, a d'ores et déjà arrangé un mariage entre le nouveau roi et Élisabeth de France, la fille d’Henri II. Aucune de ces deux unions n’est toutefois finalisée à cause de la mauvaise santé d’Édouard.
Jeanne souhaite quant à elle se fiancer au comte de Hertford, le fils aîné du duc de Somerset (qui sera condamné à mort et exécuté en 1552 pour trahison) et dans le même temps, sa mère est en pourparlers avec le duc de Northumberland John Dudley, désireux de marier son propre fils Guilford. Jeanne s’alarme de l'union qui lui est proposée car elle exècre les Dudley. Lady Frances parvient toutefois à « persuader » sa fille (qu'elle n'hésite pas à frapper pour l'occasion) et le mariage est finalement célébré le 25 mai 1553.
Lutte pour le pouvoir
Jane Grey était en droit de revendiquer le trône anglais par sa mère, Lady Frances, descendante d'Henri VII d'Angleterre puisqu'elle était la fille de Marie, reine consorte de France. Le testament du roi Édouard VI stipule d'ailleurs que Jane doit lui succéder. Conformément à la règle de primogéniture, Jane ne peut cependant monter sur trône sauf si les héritières directes d’Henri VIII, Marie et Élisabeth, s’avèrent incapable d'accéder à cette position.
Il convient de préciser en parallèle que la fondation de l’église anglicane par Henri VIII a engendré une élite protestante, enrichie par la dissolution des monastères. Quand la nouvelle leur parvient que le roi Édouard est mourant, les personnalités de cette nouvelle aristocratie, John Dudley (beau-père de Jeanne Grey et duc de Northumberland) en tête, conspirent contre Marie (fille de la très pieuse Catherine d'Aragon) qui préconise quant à elle un retour au Catholicisme, le rétablissement de l’autorité de l’église catholique en Angleterre étant seule à même de priver la noblesse protestante de sa toute récente richesse. C'est dans le but de déjouer ce plan qu'Édouard, sur son lit de mort, privilégie Jeanne afin de lui succéder tout en repoussant Marie, l'héritière présomptive.
Les bases juridiques sur lesquelles reposent les revendications de Jeanne, bien décidée à honorer les dernières volontés du défunt souverain, sont toutefois très fragiles. Édouard a en effet transgressé la loi anglaise en déshéritant Marie, et le roi n’avait pas encore seize ans à l’époque de sa mort (il était né la même année que Jeanne, sa seule parente protestante).
Accession au trône
Quatre jours après le décès d’Édouard VI, le
6 juillet 1553, le duc de Northumberland proclame Jeanne reine d'Anglerre. Elle élit domicile à la
Tour de Londres, où les monarques anglais séjournaient habituellement de leur accession au pouvoir jusqu'à leur couronnement. Elle refuse toutefois de conférer le titre de « roi » à son époux Guilford Dudley, proposant de le créer
Duc de Clarence à la place.
De son côté, le duc de Northumberland doit faire face à plusieurs défis afin de consolider le pouvoir acquis par les protestants. Il souhaite notamment arrêter et mettre au secret la princesse Marie avant qu’elle ne récolte suffisamment d’appuis pour la cause qu'elle défend. Informée des intentions du duc, l'intéressée s’enferme derrière les murs du château de Framlingham dans le Suffolk. En seulement neuf jours, elle réussit à mobiliser assez de membres de la noblesse pour retourner à Londres le 19 juillet, à la tête d'une procession triomphale. Le Parlement est alors contraint de reconnaître Marie en tant que reine légitime. La nouvelle souveraine commence par faire emprisonner Jane Grey et son époux dans les geôles de la Tour de Londres sous l'inculpation de haute trahison, et elle commande l'exécution du duc de Northumberland, le 21 août 1553.
Exécution
L’ambassadeur du Saint-empire romain germanique est chargé d'annoncer à
Charles Quint que Marie a l’intention d’épargner Jane ainsi que le tout nouveau duc de Clarence, son conjoint. Cependant, la rebellion protestante dirigée par Thomas Wyatt en janvier
1554 achève de décider de leur sort (bien qu’ils n’y soient pas impliqués directement). La révolte de Wyatt est en effet la conséquence directe du mariage entre Marie et le futur roi catholique d’Espagne, Philippe. Parmi les protestants exigeant le retour de Jane Grey sur le trône figure le propre père de la jeune femme, le duc de Suffolk. Les conseillers de Marie la poussent alors à exécuter la « reine de neuf jours » afin d'étouffer dans l’oeuf ce soulèvement politique et cinq jours après l’arrestation de Thomas Wyatt, la reine signe les ordres d’exécution de Jane Grey et de Guilford Dudley.
Au matin du 12 février 1554, les autorités compétentes mènent Lord Guilford Dudley à l’échafaud afin qu'il soit décapité en public. On renvoie ensuite son corps dans l'enceinte de la Tour de Londres, pour qu'il soit visible depuis l'endroit où Jeanne est encore retenue captive. Sur ordre de la reine, on entraîne ensuite la jeune veuve jusqu'à l'étendue de gazon la plus proche afin qu'elle y soit exécutée à son tour à l'abri des regards du plus grand nombre (une telle procédure ne s’appliquant en principe qu’aux personnalités de sang royal). En montant sur l’échafaud, elle s’adresse aux quelques personnes autorisées encore présentes à ses côtés :
« Gens de bien, je viens ici pour mourir, condamnée par la loi au même lot. L’acte contre la majesté était illégitime, comme ma participation : mais ce jour, pour autant que je l’aie désiré et en aie ambitionné l’achèvement, j’en lave les mains, devant Dieu et devant vous, bons chrétiens. »
Elle récite ensuite le psaume Miserere mei Deus (« O Dieu, aie pitié de moi ») en anglais et donne ses gants ainsi que son mouchoir à une dame d’honneur. John Feckenham, chapelain catholique n'ayant pas réussi à convertir Jeanne Grey, reste malgré tout près d'elle. Elle est mise à genoux et avant de se bander elle-même les yeux, elle pardonne d'avance à son bourreau tout en le suppliant de la « dépêcher promptement ». Ayant résolu de mourir avec dignité mais s'avérant incapable de se diriger droit vers le billot à cause du bandeau, elle s'exclame : « Qu’est-ce que je ferai ? Où est-ce qu’il est ? ». Après qu’une main inconnue l'y a menée, elle cite les dernières paroles du Christ telles que les rapporte Luc : « Seigneur, entre vos mains, je remets mon esprit ! ». Le bourreau abat ensuite sa hache sur le cou de Jeanne, séparant son corps de sa tête, puis il saisit cette dernière par les cheveux et s'écrie : « Périssent ainsi les ennemis de toute reine. C'est la tête d'une traîtresse ! »
À ce moment-là, la reine a déjà emprisonné le père de la suppliciée, le duc de Suffolk, pour sa participation à la révolte de Wyatt. Il meurt le 19 février de la même année. Jeanne et son mari reposent dans une chapelle consacrée à Saint Pierre près de la Tour de Londres.
Bibliographie
- Faith Cook, Nine Days Queen of England
- Alison Plowden, Lady Jane Grey: Nine Days Queen, 1985
- auteur inconnu; redigé par John Gough Nichols, Chronicle of Queen Jane and of Two Years of Queen Mary.
- Maureen Waller, Sovereign Ladies : Sex, Sacrifice, and Power. The Six Reigning Queens of England, St. Martin's Press, New York, 2006. ISBN 0-312-33801-5
- Alison Weir, Children of England: The Heirs of King Henry VIII.